Pitié pour l’hôtesse !

Nous avons pris place depuis quelques minutes dans l’avion, et nous sommes déjà plongés dans nos livres ou nos revues, dans nos pensées en regardant à travers le hublot, ou dans nos rêves puisque certains ont déjà les yeux clos. Mais pas un n’a réagi à l’annonce des consignes de sécurité. Pourtant elle est là, elle est belle, et elle s’agite devant nous en livrant les secrets de la ceinture de sécurité, en présentant la fiche descriptive de l’appareil, et en nous indiquant les voies tracées au sol vers les issues de secours. Je regarde autour de moi, et je constate que je suis le seul à avoir interrompu ma lecture. Je l‘ai interrompue, non pas parce que je souhaite découvrir ces consignes – depuis le temps que je prends l’avion, je les ai mémorisées – mais tout simplement par respect, ou parfois même, par pitié pour l’hôtesse. Mettez-vous à sa place ! Elle a pour obligation de nous dire l’indispensable, en cas de problème, pour maintenir un niveau de sécurité maximal pour tous. Et nous sommes tous là à l’ignorer, alors qu’elle essaye vainement de capter notre attention. Quel formateur ou formatrice apprécierait de faire une démonstration devant des têtes baissées ou des yeux fermés ?

Mais le pire, c’est lorsque qu’elle attaque le masque à oxygène. Là, pour elle, ce doit être terrible : snobée par les passagers, voilà qu’il lui faut maintenant enfiler ce masque sur son maquillage frais. Un masque jaune poussin, anti esthétique au possible ! Jusque-là, son regard restait figé vers l’arrière de l’appareil. Mais avec ce truc là sur le nez, gênée, ses yeux vont de gauche à droite, balayant un par un les voyageurs. Dans sa tête, c’est la logique inverse qui s’amorce : « Pourvu que personne ne lève la tête » se dit-elle. Ben oui, au moment où cette splendide hôtesse se décore la mâchoire d’un capuchon jaune, ce serait dommage d’être vu. C’est à ce moment-là que son regard s’arrête sur un passager. Il s’appelle Olivier Bureau ! Alors que tout le monde s’en fout, c’est le seul connard qui semble être intéressé par ce qui se passe dans le couloir de l’avion. A ce moment-là – permettez que je reprenne le relais puisqu’il s’agit de moi bien évidemment – je baisse la tête car j’ai un peu honte de l’avoir matée si longtemps. Désormais sans la fixer, je perçois dans mon champ de vision qu’elle continue à s’agiter avec ce masque. La pauvre, il lui faut en plus, refaire tous les mouvements pour coller à la version anglaise qui se fait entendre dans les haut-parleurs. Quel supplice !

Lorsque je relève la tête, elle a déjà troqué son masque à oxygène contre un gilet de sauvetage, qu’elle nous déplie vers le bas, tel un yoyo, en le maintenant par une cordelette. Pendant qu’elle exécute le mouvement approprié, la voix précise qu’il faut enfiler le gilet par la tête, dans l’éventualité où il y ait des demeurés qui tenteraient de l’enfiler par la taille. Puis, chose importante, une fois sur soi, le gilet doit se gonfler en tirant sur les poignées situées au niveau de la poitrine. Au moment de cette information vitale, j’ai souvent l’esprit qui part ailleurs, compte tenu du fait que personne n’écoute. Je m’imagine seul, en plein océan, au beau milieu de débris d’avion. Je flotte sur l’eau grâce à mon gilet de sauvetage gonflé à bloc. Soudain, un autre passager nage péniblement vers moi. Il est gêné dans ses mouvements de brasse par son gilet qu’il a enfilé comme un pantalon. S’agrippant à moi, il me dit « Au secours ! … Comment on gonfle le gilet ? ». Alors d’un air froid je lui réponds : « T’avais qu’à écouter, pauv’ con ! ». Et dans le même moment, je pose ma main sur le dessus de sa tête, et je l’enfonce, de plus belle, vers les fonds marins.

Je sais ! Pas très humain comme rêve ! Mais mince ! C’est exaspérant ! Je suis sûr que parmi ceux qui jouent les hommes d’affaires dans l’avion et qui snobent l’hôtesse durant ses démonstrations, il y en a plein qui, en cas de catastrophe, seraient sous l’emprise de la panique en criant à tue-tête : « Comment on fait ? Comment on fait ? ». Alors, une fois installés dans nos sièges, avant que l’avion décolle, levons tous la tête ! Regardons l‘hôtesse et écoutons les consignes ! Et si toutefois c’est du rabâchage, faisons comme si on découvrait. Et si ce n’est pas par pitié pour l’hôtesse, au moins que ce soit par respect pour le métier qu’elle exerce devant nous.


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