Pensée pour un Poilu

Cela fait quelque temps que je suis peiné d’avoir délaissé ta tombe, là où tu reposes avec Mémé. J’ai eu beau renouveler la concession récemment, je reste truffé de scrupules : la vie ayant composé son œuvre la plus sombre du côté de mes ascendants, me voilà sans doute le seul qui pourrait passer de temps en temps entretenir ces lieux. Mais je ne le fais pas, et figure-toi qu’aujourd’hui, je suis en manque de ne pas l’avoir fait.

Le centième anniversaire de l’armistice de la première guerre mondiale approche. J’ai une pensée pour toi. De ton vivant, tu ne parlais jamais de cette période difficile que tu as vécue. Jamais je ne t’ai entendu raconter quoique ce soit de ton calvaire dans les tranchées. Mais je crois que ce mutisme est éloquent. Tu as dû vivre et voir des choses qu’il n’est pas possible de raconter à sa famille. Lorsque j’ai grandi, j’ai bien hésité plus d’une fois à te questionner là-dessus. Je n’ai jamais osé. J’ai préféré te laisser vivre tes dernières années en toute quiétude, et ne pas raviver ces images que tu nous as cachées.

Alors aujourd’hui, et aujourd’hui plus que jamais en ce jour de centenaire du 11 Novembre 1918, je regarde cette photo où tu trônes aux côtés de Mémé, avec Maman sur ton genou. Tu es revenu du front depuis 20 ans déjà, et à l’aube d’une seconde guerre, voilà que tu traces une nouvelle voie. Tu as pu la tracer parce que tu es revenu du front vivant, mais aussi, et tu l’as toujours su, parce que beaucoup de tes compagnons d’arme y ont laissé leur vie pour que tu puisses continuer la tienne. Sur cette voie, tu as fait une place pour Maman, Maman m’a fait une place également, j’en fais une en ce moment pour mes filles, et mes filles je l’espère, en ferons une elles-aussi pour leurs enfants. Toutes ces places sont différentes, car elles se façonnent suivant le temps, l’hérédité, l’histoire et la société. Mais elles ont toutes un point commun : ce sont des places de paix. Même si en 2018, nous nous battons dans des conflits ou des guerres d’un autre genre, nous te devons, à toi et à tous les autres poilus de l’histoire de France, notre paix d’aujourd’hui.

A Pépé d’zaire.


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